Nouveau ministre du Logement, Éric Woerth hérite d’un secteur en crise
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Eric Woerth a été nommé ministre de l'aménagement du territoire, de la décentralisation et du logement le 5 octobre 2025 dans le gouvernement de Sébastien Lecornu. Le député de l'Oise hérite d'une situation catastrophique : seulement 369 300 logements autorisés à la construction en 2024, soit le plus faible niveau depuis 2000, et 82 000 logements sociaux financés, un plancher historique depuis 20 ans. Une nomination qui intervient alors que 2,7 millions de ménages attendent un logement social et que 300 000 emplois du bâtiment sont menacés. Focus...
Le premier ministre Sébastien Lecornu démissionne ce matin du 6 octobre et affiche donc le mandat, de 27 jours, le plus court de l'histoire de la 5ème république. Le nom de notre futur ministre du logement reste en attente d'un nouveau gouvernement.
Une nomination dans un contexte de crise du logement sans précédent
Eric Woerth a été nommé ministre de l'aménagement du territoire, de la décentralisation et du logement le 5 octobre 2025, dans le cadre de la formation du gouvernement de Sébastien Lecornu. Cette nomination intervient dans un contexte d'instabilité politique marqué, le gouvernement Lecornu étant le troisième en un an et faisant déjà face à une motion de censure déposée par l'opposition.
Le nouveau ministre hérite d'une situation catastrophique. En 2024, seulement 369 300 logements ont été autorisés à la construction, soit une chute de 23,4 % par rapport à l'année précédente et le plus faible total depuis le début des statistiques en 2000. Les mises en chantier suivent la même trajectoire avec 263 100 logements commencés en 2024, en baisse de 11,1 % sur un an et de 33 % par rapport à l'avant-crise.
La construction de logements individuels s'effondre particulièrement, avec seulement 95 500 mises en chantier en 2024, soit une chute de 24,1 %. Depuis le début 2025, la situation ne s'améliore pas : en mai, seuls 20 100 logements ont été mis en chantier, soit 37 % de moins qu'avant la crise sanitaire. La Fédération française du bâtiment prévient que "300 000 salariés seront sur le carreau mi-2025 si rien n'est fait".
Cette crise s'explique par une combinaison de facteurs : inflation du coût du foncier, normes de construction contraignantes, taux d'intérêt élevés maintenus entre 3,30 % et 3,50 %, baisse de la solvabilité des ménages et frilosité des collectivités locales. Le secteur immobilier traverse ainsi sa "troisième année de récession en 2025" selon les professionnels.
Qui est Eric Woerth, nouveau ministre du logement ?
Éric Woerth rejoint le ministère de l’Aménagement du territoire, de la Décentralisation et du Logement avec un parcours politique et financier étendu. Ministre du Budget de 2007 à 2010 dans les gouvernements de François Fillon, il a piloté les comptes publics durant la crise financière de 2008, défendant une politique de maîtrise des dépenses. En 2010, il a pris la tête du ministère du Travail, où il a porté la réforme des retraites repoussant l’âge légal de départ de 60 à 62 ans.
De 2017 à 2022, il a présidé la commission des Finances de l’Assemblée nationale, avant d’occuper les fonctions de questeur jusqu’en 2024, supervisant la gestion budgétaire de l’institution. Élu de l’Oise depuis 2002, ancien maire de Chantilly (1995-2017) et ancien vice-président du conseil régional de Picardie, il dispose d’une expérience reconnue des finances locales et de l’administration territoriale.
Son parcours est marqué par plusieurs affaires judiciaires sans condamnation. Dans le dossier Bettencourt, la justice a prononcé en 2015 une relaxe faute d’éléments prouvant un trafic d’influence. L’année précédente, il avait obtenu un non-lieu dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne, la Cour de justice de la République jugeant les charges insuffisantes. Plus récemment, dans le procès du financement libyen présumé de la campagne de 2007. relaxé en première instance début 2025, il reste concerné par la procédure après l’appel du parquet national financier. Ces épisodes médiatisés n’ont pas entravé son ascension politique.
Des attentes fortes du secteur immobilier
Au-delà des chiffres dramatiques de la construction, le nouveau ministre du logement doit faire face aux attentes pressantes des professionnels du secteur. Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), tire la sonnette d'alarme : "30 000 emplois ont été supprimés au premier semestre 2025, et on risque de perdre plus de cent mille salariés en 2025" si rien n'est fait.
"L'instabilité a mis à terre beaucoup d'entreprises et beaucoup de salariés au chômage", dénonce le dirigeant de la FFB. Les entreprises artisanales spécialisées dans la rénovation énergétique paient particulièrement le prix de l'arrêt brutal de MaPrimeRénov', suspendue pour cause de fraudes. Beaucoup de petites structures qui avaient investi dans cette filière se retrouvent en cessation d'activité.
Face au nouveau ministre, les attentes de la profession se cristallisent autour de trois urgences. La FFB réclame de "relancer le logement locatif privé, redonner de la visibilité à la rénovation énergétique et corriger le système de recyclage des matériaux". Première priorité absolue : la création d'un statut du bailleur privé pour succéder au dispositif Pinel et relancer l'investissement locatif.
Les promoteurs immobiliers, représentés par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), partagent ces inquiétudes. Ils réclament notamment un "choc de l'offre" pour relancer la construction et appellent à un "plan Marshall" pour le logement face à l'effondrement du marché du neuf. L'Union sociale pour l'habitat (USH) complète ce concert d'alarmes en réclamant un "plan d'urgence" pour le logement social.
Eric Woerth répond partiellement à cette demande de reconnaissance politique par sa nomination comme ministre de plein exercice. Reste à voir s'il parviendra à stabiliser un secteur fragilisé par l'instabilité chronique des dispositifs publics et à relancer une dynamique de construction aujourd'hui au point mort.
Les projets inachevés de Valérie Létard pour 2026
Valérie Létard avait lancé plusieurs chantiers avant son départ, notamment une ambitieuse feuille de route prévoyant la construction de 100 000 logements sociaux pour 2025. Cette stratégie s'appuyait sur une baisse du taux du livret A de 3 % à 2,4 % et l'élargissement du prêt à taux zéro à tous les logements neufs sur l'ensemble du territoire.
La ministre avait surtout lancé une mission parlementaire cruciale sur le statut du bailleur privé, confiée au député Mickaël Cosson et au sénateur Marc-Philippe Daubresse. Cette mission devait proposer des solutions pour rendre l'investissement locatif "rentable et attractif", avec des conclusions attendues en juin 2025 pour alimenter le projet de loi de finances 2026. L'enjeu était majeur : en 2025, seulement 15 000 logements neufs ont été acquis par des particuliers à visée locative, contre 75 000 avant la crise Covid.
Parmi ses autres projets budgétaires pour 2026, Valérie Létard préparait une réforme du DPE avec l'abaissement du coefficient de conversion de l'électricité de 2,3 à 1,9, permettant d'améliorer la note énergétique de nombreux logements chauffés à l'électricité sans travaux. Elle avait également prévu 100 millions d'euros d'aide aux "maires bâtisseurs" pour les permis délivrés entre avril 2025 et mars 2026.
"Le combat pour le logement sera bien plus dur en 2026", avait-elle confié lors d'un colloque de l'ANIL, reconnaissant les difficultés budgétaires à venir. Eric Woerth hérite donc de ces dossiers en cours, avec la question cruciale de leur continuité dans un contexte de contraintes financières renforcées.
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