Loi anti-squat, pénurie de logements sociaux... l'autre crise du logement à Toulouse

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Avatar de l'auteur "Morgane Caillière" Morgane Caillière

le 12 novembre 2024

[ mis à jour le 13 novembre 2024 ]

SOMMAIRE

En 2023, la France a enregistré un nombre record d’expulsions locatives ; 19 023 procédures exécutées avec le concours des forces de l’ordre, selon un rapport de la Cour des comptes. Une hausse de 17 % par rapport à 2022. Avec une nouvelle expulsion de squat au mois d'octobre, Toulouse n'est pas épargnée par le mal logement, le manque de logements sociaux et le manque de logements d'urgence... focus.

L’impact de la loi Kasbarian sur l'ensemble du territoire

Ce contexte alarmant est lié à l’entrée en vigueur de la loi Kasbarian-Bergé en juin 2023 ; laquelle vise à lutter contre les squats et les la garantie contre les loyers impayés de loyers en réduisant considérablement les délais et les recours pour les locataires.

Depuis sa promulgation le 27 juillet 2023, un propriétaire peut saisir un juge seulement six semaines après l’envoi d’un commandement de payer. Une fois la décision d’expulsion prononcée, les possibilités pour les locataires d’obtenir un délai supplémentaire ou de régulariser leur situation sont fortement limitées.

Cette réforme a déjà des répercussions significatives. Les associations dénoncent des expulsions pour des montants mineurs ou des retards de paiement anecdotiques. Un exemple marquant évoqué dans Capital est celui d’une locataire en Seine-Saint-Denis, expulsée malgré un arriéré de seulement 60 euros, bien qu’elle ait commencé à régulariser sa situation. Selon Marianne Yvon, responsable de l’Espace Solidarité Habitat de la Fondation Abbé Pierre, « ces procédures ne laissent plus de place à la négociation ou à une stabilisation progressive ».

La Fondation souligne en outre le rôle aggravant du manque de logements sociaux, un problème structurel qui amplifie la fragilité des ménages modestes. Alors que les expulsions progressent, les associations appellent à des solutions urgentes pour éviter une aggravation de la crise en 2024.

Des perspectives inquiétantes pour 2024

La Fondation Abbé Pierre s’inquiète d’une possible nouvelle augmentation des expulsions en 2024. L’entrée en vigueur de la loi Kasbarian-Bergé pourrait encore accentuer cette tendance.

« Avec cette loi, les familles les plus fragiles risquent de se retrouver plus rapidement à la rue, faute de solutions pérennes », avertit Marie Rothhahn. La Fondation appelle à des actions urgentes pour renforcer le parc de logements sociaux et améliorer l’accès au logement pour les ménages les plus précaires.

Les squats dans le viseur

une bénévole dans un refuge
Pressmaster

La loi durcit également la gestion des squats, qui ne sont pas protégés par la trêve hivernale. Elle élargit la définition légale du délit de squat, intégrant désormais le maintien dans un logement après la fin de la procédure d’expulsion. Les sanctions associées sont également plus sévères, avec des peines allant jusqu’à trois ans de prison et 7 500 euros d’amende.

En 2023, plusieurs squats de longue date ont été évacués à travers la France. En 2024 à l'approche des JO, plus de 12 000 personnes ont été expulsées en Ile de France.

Expulsion d’un bâtiment occupé avenue de Grande-Bretagne à Toulouse

Mercredi 16 octobre 2024, un immeuble occupé illégalement depuis plusieurs mois, situé avenue de Grande-Bretagne à Toulouse a été évacué par les forces de l’ordre. Une cinquantaine d’hommes y vivaient depuis le mois de mars, avant d’être expulsés dans le cadre d’une opération encadrée par une décision de justice.

Cette expulsion fait suite à une décision du tribunal judiciaire de Toulouse rendue le 2 août 2024. La préfecture de la Haute-Garonne a précisé dans un communiqué publié mercredi soir que l’évacuation s’est déroulée « dans le calme et sans incident ».

crise du logement à Toulouse et impact des AirBnb

Les hommes expulsés faisaient partie du collectif AutonoMIE, qui regroupe des mineurs étrangers isolés. Ce collectif est bien connu à Toulouse pour avoir occupé divers lieux au fil des années, comme un hôtel désaffecté en 2017, un bâtiment de l’université Paul-Sabatier en 2023, et plus récemment le gymnase Saint-Sernin en 2024.

Un dispositif rodé contre les squatteurs

Un système anti-intrusion alliant générateur de fumée et intervention rapide d’agents de sécurité a été déployé dans des logements sociaux de la région toulousaine (Haute-Garonne). Ce mécanisme, conçu et installé par le Groupement interquartiers de tranquillité et de sûreté (GITeS), vise à lutter contre les occupations illégales de logements vacants.

Le phénomène des squats dans les logements sociaux vacants est particulièrement fréquent, notamment lors des changements de locataires. Selon Rémi Vincent, directeur général du GITeS, « les intrusions peuvent survenir en quelques minutes après le départ d’un locataire, car ces informations circulent très vite ». Ces occupations illégales engendrent des coûts significatifs pour les bailleurs sociaux et compliquent la gestion de leur parc immobilier.

Pour contrer cette problématique, un nouveau dispositif a été mis en place : un générateur de fumée. Ce mécanisme, lorsqu’il est activé par un capteur détectant une intrusion, remplit instantanément la pièce d’un épais nuage de fumée blanche, accompagnée d’une alarme sonore et de flashes lumineux.

Ce brouillard dense, bien qu’impressionnant, serait totalement inoffensif selon France 3. Il ne présenterait aucun risque d’incendie, d’asphyxie ou d’intoxication. Son objectif est de désorienter l’individu et de l’inciter à quitter les lieux.

Pour assurer cette mission, le GITeS mobilise une équipe d’une cinquantaine de salariés, principalement composée d’agents de sécurité formés à ce type d’intervention. Actuellement, 1 200 logements sociaux sont concernés par ce suivi et deux immeubles en cours de rénovation dans la région toulousaine sont équipés de ce système.

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Une situation préoccupante pour l'hiver 2024-2025

un sdf souffle sur ses mains
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Selon la Fondation Abbé Pierre, environ 330 000 personnes sont aujourd’hui sans domicile en France, un chiffre qui a plus que doublé depuis 2012, où il s’élevait à 150 000.

Malgré les annonces du gouvernement pour renforcer ces dispositifs, notamment le déblocage de 120 millions d’euros supplémentaires en janvier 2024, les associations jugent ces mesures largement insuffisantes. À Toulouse, par exemple, seules 150 places d’hébergement d’urgence supplémentaires ont été ouvertes pour l’hiver 2023-2024, contre 200 initialement promises.

Les chiffres clés de la précarité à Toulouse

À Toulouse, environ 1 100 personnes dorment chaque nuit dans la rue ou sous des abris précaires. Ce chiffre atteint 7 000 si l’on inclut ceux sans logement fixe. Parmi eux, 25 % sont mineurs, 5 % ont plus de 60 ans, et 30 % sont des femmes, souvent accompagnées d’enfants, bien qu’elles restent moins visibles par peur des agressions.

La précarité touche également 1 200 étudiants à Toulouse, un phénomène accentué depuis la crise sanitaire. Certains jonglent entre études et petits emplois, tandis que d’autres se retrouvent à la rue ou dans des logements temporaires.

Une crise du logement social sans précédent en Occitanie

L’année 2023 a été marquée par une intensification de la crise du logement social en Occitanie. Les territoires, en particulier la métropole toulousaine, sont confrontés à des situations alarmantes. Selon Jean-Michel Fabre, les indicateurs sont au rouge : la demande explose, tandis que la construction de logements sociaux s’effondre.

En Occitanie, 189 000 demandes de logements sociaux ont été enregistrées en 2023, dont 56 000 en Haute-Garonne, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente. Pourtant, la programmation de nouveaux logements a atteint un plancher historique, avec seulement 9 241 autorisations en 2023, contre 12 000 en 2017, marquant le niveau le plus bas depuis 20 ans. Cette baisse entraîne une chute des attributions, qui sont passées à 30 000 en 2023, soit une diminution de 6 %.

La situation est aggravée par un faible taux de rotation dans le parc social. Les locataires, confrontés aux difficultés d’accès à la propriété ou au logement privé, restent plus longtemps dans leur logement. Cette inertie, couplée à une demande toujours croissante, allonge mécaniquement les listes d’attente. Ces dynamiques rendent l’année 2024 particulièrement risquée. Si aucune mesure significative n’est prise, la crise pourrait encore s’aggraver.

La saturation du marché touche à la fois le logement social, le locatif privé, et l’hébergement d’urgence. Selon Jean-Michel Fabre, la région est particulièrement vulnérable en raison de sa forte croissance démographique , avec 50 000 nouveaux habitants par an, dont 15 000 en Haute-Garonne.

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Des perspectives incertaines pour 2024

Alors que les expulsions devraient se poursuivre à un rythme soutenu, la précarité liée au logement semble partie pour s’aggraver en 2024. Les associations, comme la Fondation Abbé Pierre et le Collectif des associations unies, plaident pour des mesures plus structurelles : un renforcement de la construction de logements sociaux, une régulation accrue du marché locatif privé et une revalorisation des aides au logement.

Avec la loi Kasbarian-Bergé, l’année 2023 aura marqué un tournant dans la gestion des expulsions locatives en France.

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