Passoire thermique : turbulences chez les propriétaires bailleurs
SOMMAIRE
”Le nombre de passoires thermiques en vente est en augmentation et ces logements sont achetés”. Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au logement, constate les premiers effets de sa mesure anti passoires thermiques au micro d’Europe 1. Les propriétaires de logements destinés à la location sont contraints de rénover ... ou de vendre.
+21% de mise en vente des logements G en un an ; 750.000 rénovations énergétiques financées en 2021... Si l’immobilier neuf à Toulouse ou partout en France payait jusqu’alors seul la facture de la transition énergétique, le parc immobilier ancien est désormais prié de se mettre au diapason.
Passoire thermique : état des lieux
En France, le bâtiment représente 45% des consommations d'énergie et 25% des émissions de gaz à effet de serre. Le dernier recensement du ministère de la Transition écologique annonce 4,8 millions de passoires thermiques sur les 36.3 millions que compte le pays. Soit environ 17 % du parc de l’immobilier dévolu à l‘habitat dans l’hexagone. Parmi elles, plus de 2 millions sont en location (dont 1,7 million dans le parc immobilier privé). Avec un logement sur 6 classé F ou G, la France fait figure de mauvaise élève au sein de l’UE.
Le site gouvernemental du Ministère de la transition Écologique affiche les statistiques de répartition des DPE en France:
- Étiquette A : 2 % ;
- Étiquette B : 5% ;
- Étiquette C : 18 % ;
- Étiquette D : 34 % ;
- Étiquette E : 24 % ;
- Étiquette F : 11 % ;
- Etiquette G : 6% ;
Alors qu’une sensible baisse des annonces de ventes (-2%) des logements classés A s’opère actuellement, le nombre de mise sur le marché des passoires thermiques affiche une augmentation spectaculaire : +21% pour les logements au DPE G. Des chiffres qui explosent dans certaines métropoles :
- +72% à Paris ;
- +74% à Rennes ;
- +70% à Nantes ;
Face à cette nouvelle abondance d'offres, les prix de l’immobilier ancien mal isolé amorcent une baisse qui devrait perdurer. Au niveau national, un bien classé A affiche, sur ce seul critère, un prix de vente de 11% supérieur à un DPE F. Dans certaines villes, les différences sont énormes. A Brest, un logement A est estimé aujourd'hui 57% plus cher qu'un F ; 55% à Nîmes ; 49% à Limoges. Suivant cette “logique miroir” de valorisation des biens à haute performance énergétique, un logement avec un DPE A affiche en 2022, un prix de 17% supérieur à celui de 2020.
"Les biens, les passoires, les biens F ou G sont plus en vente depuis quelques mois qu'avant... C'est vrai qu'on a fait un choix très politique qui est d'interdire à la location les pires passoires thermiques. Vous vous mettez à la place du locataire et on parlait de l'augmentation du prix de l'électricité, du prix du gaz. Vous êtes locataire, votre logement est super mal isolé. Ça vous coûte une fortune, vous n'arrivez pas à chauffer, votre propriétaire ne fait pas de travaux, vous ne pouvez rien faire. Donc on a décidé d'interdire à la location."
Emmanuelle Wargon, ministre Ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement / Europe 1/29 janvier 2022
Passoires thermiques : le plan d’action du gouvernement
Le Plan climat établi en 2017 prévoit 14 milliards d’euros en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments ; la plus grande partie servant à financer les aides à la rénovation de l’Agence nationale de l’habitat. Une seconde portion accompagne la rénovation énergétique des bâtiments du secteur public. La troisième utilisation de l’enveloppe finance les formations des professionnels du bâtiment aux nouvelles normes, méthodes, techniques et nouveaux matériaux. La loi Énergie-Climat de 2019 imposera désormais des mesures coercitives dans le but de réduire les logements énergivores dans le parc locatif privé.
Selon le ministère de la transition écologique, une rénovation efficace permettrait aux locataires de passoires énergétiques d’économiser autour de 100€/mois sur les factures d’énergie. Par exemple, pour une maison passoire énergétique de 120 m², la facture est supérieure de 240 € euros pour une étiquette G par rapport à une consommation standard.
Le calendrier de la loi Énergie Climat
La loi Énergie-Climat met en place un plan d’actions contre les passoires énergétiques en plusieurs étapes : les dates à retenir sont 2021, 2023, 2025 et 2028.
« Nous assumons de démarrer doucement avec un seuil assez peu contraignant pour s’attaquer en priorité aux pires “passoires thermiques” et laisser un peu plus de visibilité aux autres propriétaires. Le but est de monter en puissance par la suite »,
Emmanuelle Wargon.
- Depuis 2021, le propriétaire d’une passoire thermique n’a plus le droit d’augmenter le loyer lors d’un changement de locataire s’il n’a pas effectué de travaux de rénovation.
- En 2022, il sera impératif de réaliser un audit thermique en plus du DPE pour vendre ou louer un immeuble affichant un DPE F ou G.
- À partir de 2023, les logements classés G ne pourront plus être loués. 90 000 logements dont 70 000 logements privés soit 4 % des « passoires thermiques » sont concernés. Les annonces des agences immobilières seront contrôlées et les locataires louant de particulier à particulier seront en droit de traduire leur propriétaire en justice (le DPE devient opposable) si les travaux de rénovation sont refusés. De même un acheteur pourra se retourner contre un vendeur en cas de DPE mensonger.
- En 2025, les critères de conformité à la location ne seront plus seulement définis par la performance énergétique du logement mais également par la surface ou encore le volume de ce dernier.
- En 2028, les propriétaires de logements classés F seront légalement tenus de réaliser des travaux de rénovation et de viser au minimum l’étiquette E du DPE.
- En 2034 : les logements classés E ne seront plus autorisés à la location.
Les locaux commerciaux ou professionnels, les bâtiments agricoles, artisanaux et industriels ne sont pas concernés par cette exigence de performance énergétique minimale ; non plus soumis au DPE obligatoire.
"Ce qu'on voit, c'est plus de biens sur le marché, mais ils sont achetés. Et il n'y a pas de refus de vente des biens F et G. Il y en a plus sur le marché et il y a plus de transactions. Et finalement, c'est une bonne nouvelle parce que la personne qui achète, elle sait qu'elle achète et qu'elle a des travaux à faire."
Emmanuelle Wargon, ministre Ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement / Europe 1/29 janvier 2022
Qu’est-ce qu’une passoire Thermique ?
Une passoire thermique – ou « passoire énergétique » est une métaphore qui qualifie les logements qui consomment plus de 330 kWh/m2/an pour chauffer, éclairer ou ventiler. G est l’étiquette la plus basse. Elle traduit une consommation de plus de 450 Kw/m² par an. Ces logements cumulent souvent des problèmes d’humidité et de mauvaise circulation de l’air ; qui les rendent, de fait, malsains.
Les passoires énergétiques ne pénalisent pas seulement les locataires ou habitants des logements. L’obligation d’affichage du DPE sur les annonces immobilières entraine nécessairement une attractivité moindre et donc nécessairement une perte de valeur locative des biens affichant une performance énergétique médiocre ou mauvaise.
Le nouveau DPE
Si le DPE de votre logement a été réalisé avant 2013 il est déjà obsolète. Depuis le 1er janvier 2021 le nouveau DPE est appliqué. Aussi, les diagnostics réalisés entre 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 seront obsolètes fin 2022. Ceux réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 le seront après le 31 décembre 2024.
Le Diagnostic de performance énergétique permet d’afficher la consommation d’énergie annuelle. Il quantifie en kWh/m²/an, la consommation de chauffage production d’eau chaude et climatisation d’un logement.
Si l’ancien affichait la consommation énergétique via 2 étiquettes (classe énergie et classe GES mesurant les gaz à effet de serre), le nouveau DPE est traduit par une seule étiquette représentant ces deux données. Traduction, la production de gaz à effets de serre d’un logement à un impact direct sur le DPE.
- Classe A : inférieure à 50 kWh/m² ;
- Classe B : 71 à 110 KWh/m² par an et 7 à 11 kg CO2/m² par an ;
- Classe C : 111 à 180 KWh/m² par an et 12 à 30 kg CO2/m² par an ;
- Classe D : 181 à 250 KWh/m² par an et 31 à 50 kg CO2/m² par an ;
- Classe E : 251 à 330 KWh/m² par an et 51 à 70 kg CO2/m² par an ;
- Classe F : 331 à 420 KWh/m² par an et 71 à 100 kg CO2/m² par an ;
- Classe G : plus de 421 KWh/m² par an et de 101 kg CO2/m² par an.
Avant travaux : réaliser un Bilan énergétique
Si votre investissement locatif dans le parc immobilier ancien affiche une étiquette G la rénovation est urgente, si c’est F ou E vous disposez encore de quelques années pour faire réaliser un audit et un plan de rénovation énergétique du logement.
L’audit énergétique (ou bilan énergétique) propose une étude détaillée du niveau d’isolation et de la consommation d’un logement. Il doit être effectuée par un professionnel certifié appelé thermicien. Avec une caméra thermique, le professionnel révèle les fuites de chaleurs (ou de fraicheur l’été) autrement appelées ponts thermiques présents dans le logement.
Ce bilan énergétique tient compte de :
- La situation géographique du bâtiment ;
- la qualité des menuiseries et de la toiture ainsi que de l'isolation ;
- l'analyse des ponts thermiques, les surfaces de déperdition d'énergie ;
- les types de chauffage, de climatisation, de ventilation et de production d'eau chaude sanitaire ;
- la quantité d'émissions de gaz à effets de serre ;
- la part des énergies renouvelables, s’il y en a.
Le thermicien liste dans un second temps les interventions nécessaires et précise les solutions techniques adaptées.
MaPrimeRénov’
Destinée dans un premier temps aux ménages modestes, MaPrimeRénov' concerne tous les propriétaires depuis octobre 2020. Son montant varie néanmoins en fonction des revenus du ménage, de son emplacement, de l’économie d’énergie permise par les travaux. Cette prime est une aide au financement des travaux de rénovation des logements de plus de 15 ans et vient donc à l’aide des propriétaires de passoires thermiques :
Elle soutient entre autres, les travaux suivants :
- L’isolation des combles (30 % des déperditions de chaleur ou de fraicheur d’une maison non isolée vient du toit) ;
- L’isolation des murs intérieurs ou extérieurs (25 % des fuites de chaleur proviennent des murs).
- L’installation de doubles-vitrages (15 % de la chaleur s’échappe par les fenêtres).
- Le changement des appareils de chauffage
- La pose d'une VMC etc.
Le gouvernement a également créé des bonus MaPrimeRénov’ dans le cadre du Plan France Relance ;
- Le bonus BBC, pour les logements dont le DPE correspond aux étiquettes A ou B ;
- Le bonus Rénovation Globale pouvant atteindre 7 000 € ; pour des travaux apportant “une amélioration significative du confort et de la performance énergétique” ;
- Ou encore le bonus Sortie de passoire pouvant atteindre 1 500 € ; qui implique les passoires thermiques dont le DPE est inférieur ou égal à E.
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