Location à Toulouse : le permis de louer devient obligatoire dans certains quartiers
SOMMAIRE
- La catastrophe de la rue Saint-Rome en point de bascule
- Permis de louer : genèse d’un outil de contrôle
- Un dispositif éprouvé : retours d'expérience
- Toulouse n'est pas pionnière dans le sud-ouest
- En Haute-Garonne, des précurseurs discrets
- Toulouse face au contrôle proactif du parc locatif privé
- Un signal fort pour les locataires
Un effondrement au cœur de Toulouse, des évacuations par dizaine et une opinion publique alertée : la municipalité réagit avec la mise en place du permis de louer dès novembre 2025.
C'est le quartier Arnaud-Bernard, déjà sous surveillance pour la vétusté de ses bâtis, qui a été choisi pour terrain d’expérimentation. Cette mesure s’inscrit dans un climat national où l’état du bâti ancien est au centre des préoccupations. Comment fonctionne ce dispositif ? Quelles sont ses origines, ses ambitions, et que peut-on attendre de son déploiement ? Décryptage du dispositif.
La catastrophe de la rue Saint-Rome en point de bascule
Le 9 mars 2024, en plein cœur de Toulouse, un immeuble s'effondre au 4 rue Saint-Rome. Si aucun blessé n'est à déplorer grâce à une évacuation préventive, l'incident agit comme un électrochoc. En quelques semaines, plus de 60 immeubles sont évacués dans la métropole, non pas pour effondrement avéré, mais en raison de suspicions de fragilité structurelle. Des fissures, des planchers affaissés, des murs lézardés... autant de signaux d’alerte qui imposent une réaction rapide des autorités.
Parmi les zones les plus concernées, les quartiers centraux, où le bâti ancien peine à vieillir dignement. Arnaud-Bernard, identifié comme secteur prioritaire, concentre à lui seul plus de 3 400 logements, dont une part importante de locations dans des immeubles à la solidité incertaine. Ce sera le premier périmètre d’expérimentation du permis de louer à Toulouse.
Permis de louer : genèse d’un outil de contrôle

Instauré par la loi ALUR de 2014, le permis de louer permet aux communes de soumettre toute mise en location d’un bien à une autorisation préalable ou à une déclaration. L’objectif : lutter contre les logements indignes en empêchant leur mise sur le marché locatif. Renforcé en 2024 par la loi du 9 avril, le dispositif offre désormais aux maires davantage de leviers, notamment la possibilité de visiter les logements sans passer par le préfet et d’imposer des sanctions administratives.
Deux formes coexistent : la déclaration de mise en location (DML) et l’autorisation préalable de mise en location (APML). Toulouse a opté pour cette seconde option. Les bailleurs devront déposer une demande en mairie avant de signer tout nouveau bail. Les services municipaux disposeront de 30 jours pour inspecter le bien. Si celui-ci ne remplit pas les critères de décence, la location sera interdite, sous peine d’amende pouvant atteindre 15 000 euros en cas de récidive.
Un dispositif éprouvé : retours d'expérience
Bien qu’aucune statistique officielle ne soit consolidée à l’échelle nationale, environ 550 communes auraient adopté le permis de louer sur tout ou partie de leur territoire en 2024, contre un peu moins de 400 deux ans plus tôt, selon les estimations de l’ANIL et de la direction générale des collectivités locales.
À Rouen, où l’APML est en vigueur depuis 2021, environ 10 % des demandes sont refusées. À Besançon, la mise en œuvre du dispositif a permis une montée en gamme progressive du parc locatif : les bailleurs récalcitrants se sont vus contraints d’engager des travaux pour répondre aux critères de salubrité. À Mantes-la-Jolie, ce sont environ 40 demandes de permis par mois qui débouchent, selon la municipalité, sur la rénovation de près de 500 logements par an.
Toulouse n'est pas pionnière dans le sud-ouest
Si la mise en place du permis de louer à Toulouse marque un tournant local, la Ville rose n’est pas la première grande métropole du Sud à s’engager dans cette voie.
À Bordeaux, le dispositif est en vigueur depuis janvier 2022 dans plusieurs secteurs du centre-ville – Saint-Michel, Victoire, Belcier ou encore Bastide. Objectif : enrayer la prolifération des logements dégradés dans ces quartiers anciens, où le parc locatif privé présente parfois de sérieuses carences. Chaque nouvelle location y est désormais conditionnée à l’obtention d’une autorisation délivrée par la métropole après vérification de la décence du logement.
Même son de cloche à Montpellier, qui a expérimenté le permis de louer dès avril 2021 dans le quartier de Celleneuve. Fort de premiers résultats jugés positifs, l’exécutif local a décidé d’étendre le dispositif. Depuis octobre 2023, il couvre une partie du faubourg Figuerolles, et une nouvelle extension est déjà actée pour novembre 2025, incluant certains secteurs de Saint-Martin, de la Mosson et des Cévennes.
En Haute-Garonne, des précurseurs discrets

Dans le département, Montauban (bien que située dans le Tarn-et-Garonne) a été l’une des premières villes moyennes à mettre en œuvre le permis de louer dès 2018. Elle a misé sur la dématérialisation des démarches et la formation d’un personnel dédié. Résultat : la ville a pu détecter des logements insalubres passés sous les radars, en l’absence de plainte des locataires.
D'autres communes du Sud-Ouest, comme Foix ou Tarbes, étudient également l’extension du dispositif, notamment dans les quartiers anciens à forte densité locative.
Toulouse face au contrôle proactif du parc locatif privé
En instaurant le permis de louer, Toulouse s’engage sur un terrain sensible mais nécessaire : celui du contrôle proactif du parc locatif privé. Si l’intention est saluée, la réussite de ce dispositif dépendra moins de sa philosophie que de sa mise en œuvre concrète. Autrement dit, tout reste à prouver sur le plan opérationnel.
D’abord, il faudra garantir des effectifs capables de traiter les demandes. L’Autorisation préalable de mise en location (APML) suppose un passage systématique par les services municipaux avant toute signature de bail. Cela implique des délais contraints – 30 jours maximum pour instruire chaque dossier – et une mobilisation rapide de personnels formés à l’évaluation des critères de décence, de salubrité et de sécurité.
Ensuite, la mairie devra répondre à un impératif de clarté et de pédagogie. Les bailleurs, souvent peu au fait des évolutions réglementaires, auront besoin d’un accompagnement dédié. La municipalité prévoit la création d’un guichet unique pour centraliser les démarches, délivrer les formulaires, informer sur les obligations, mais aussi orienter vers des dispositifs de soutien à la rénovation.
Car c’est l’autre enjeu clé du permis de louer : ne pas se limiter à sanctionner, mais proposer des solutions. Dans cette optique, Toulouse envisage un volet incitatif, sous la forme de subventions, d’exonérations fiscales ou d’aides à la réhabilitation énergétique pour les petits propriétaires. L’idée est de faire du permis de louer non pas un couperet, mais un déclencheur de mise aux normes, au bénéfice des locataires comme des bailleurs.
La mairie a d’ores et déjà identifié plusieurs secteurs susceptibles de rejoindre le périmètre à moyen terme : Saint-Cyprien, les Minimes ou encore le faubourg Bonnefoy, autant de quartiers marqués par une forte pression locative et un bâti ancien potentiellement vulnérable. Une phase d’évaluation est prévue dès 2026 pour déterminer les zones prioritaires en fonction des signalements, des rapports d’insalubrité, ou encore du taux de rotation locative.
Enfin, reste à composer avec le facteur politique : le permis de louer ne fait pas l’unanimité, notamment parmi certaines associations de propriétaires qui dénoncent une complexification des démarches et un risque de découragement de l’investissement locatif.
La colère de la FNAIM et de la FPI
Dès sa création dans le cadre de la loi ALUR en 2014, l’instauration du permis de louer a suscité les ires de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), qui y voyait une remise en cause des compétences des professionnels de l’immobilier déjà tenus de vérifier la décence des logements. Son ancien président, Jean-François Buet, dénonçait alors « une couche administrative de plus », jugée redondante avec les obligations existantes.
L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) est allée plus loin en parlant d’un « permis de tuer » l’investissement locatif dans les centres anciens, redoutant un effet dissuasif sur les bailleurs privés, déjà confrontés à une réglementation dense et évolutive. L’UNPI a également pointé du doigt les coûts potentiellement induits par l’obtention du permis, certaines communes ayant instauré des frais de dossier pouvant atteindre une centaine d’euros.
Un signal fort pour les locataires
Avec le permis de louer, Toulouse envoie un message clair : la location d’un logement engage la responsabilité du propriétaire, et la sécurité des occupants doit primer. Si les retours des premières villes équipées sont encourageants, l’application locale reste un défi ambitieux. C’est un pas vers un urbanisme plus exigeant, une politique du logement plus protectrice, et peut-être un tournant dans la relation entre ville et habitat.
Le rendez-vous est pris pour novembre 2025, avec l’espoir que le permis de louer devienne un garant de dignité pour les occupants du parc locatif toulousain .
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