Le rapport Daubresse-Cosson relancera-t-il l'investissement locatif ?
SOMMAIRE
- Un système à bout de souffle
- Le rôle central du parc locatif privé
- Une rentabilité en berne, des investisseurs découragés
- 5 leviers fiscaux pour relancer l'investissement
- Proposition 1 : Un amortissement fiscal pour les logements loués en longue durée
- Proposition 2 : Un bonus d'amortissement pour les loyers abordables
- Proposition 3 : Rehausser le plafond du déficit foncier
- Proposition 4 : Exclure les biens loués de l’assiette de l’IFI
- Proposition 5 : Aligner la durée d’exonération des plus-values sur l’amortissement
- Calendrier proposé
- Impacts chiffrés
- F.A.Q
- Que prévoit la réforme ?
- Quand la réforme entrera-t-elle en vigueur ?
- Quel impact pour les finances publiques ?
En réponse à la lourde crise que traverse le marché locatif, le sénateur Marc-Philippe Daubresse et le député Mickaël Cosson ont remis un rapport de relance à la ministre chargée du Logement, Valérie Létard.
Ce rapport édifiant revient sur les chiffres alarmants du secteur, notamment dans le neuf (mais pas que) tout en préconisant des actions à mener pour relance l'investissement locatif. Que préconise-t-il ? Décryptage.
Un système à bout de souffle
Le rôle central du parc locatif privé
Le parc locatif privé constitue aujourd’hui un pilier du logement en France, logeant à lui seul 25 % des ménages et 58 % des locataires. Sur un total de 38 millions de logements, on compte environ 7,8 millions de logements locatifs privés, contre 5,6 millions de logements sociaux et 17,8 millions de résidences principales occupées par leurs propriétaires.
L’investissement locatif repose quasiment exclusivement sur les particuliers, qui représentent 99 % des propriétaires bailleurs. Contrairement aux idées reçues, l’investissement locatif privé n’est pas réservé à une élite : 70 % des bailleurs possèdent un seul logement, utilisé majoritairement comme épargne retraite ou pour loger un proche (étudiant, enfant). Par ailleurs, les bailleurs sont en moyenne plus âgés que la population générale, avec près de 30 % d’entre eux âgés de plus de 65 ans.
Le rapport souligne que cette structure de détention très atomisée — 5,9 millions de foyers fiscaux mettent au moins un logement en location — rend le système particulièrement sensible aux découragements fiscaux ou réglementaires.
Ces données sont issues du Fichier des logements et des individus (FILOSOFI) et du rapport d'information de la commission des affaires économiques du Sénat (avril 2024) auxquels se réfère le rapport dans sa première partie.
Une rentabilité en berne, des investisseurs découragés
L’investissement locatif privé traverse une crise profonde, alimentée par une détérioration continue de sa rentabilité. Depuis vingt ans, un effet ciseau s’est formé : les prix de l’immobilier ont été multipliés par deux, tandis que le revenu disponible brut des ménages n’a progressé que de 30 % sur la même période. Cette distorsion structurelle a fragilisé le rendement locatif, en particulier dans les zones urbaines tendues.
Par ailleurs, de nombreux facteurs aggravent cette perte d’attractivité :
- Encadrement des loyers, qui limite les revalorisations entre deux locataires (loi ALUR de 2014) ;
- Hausse des charges et des obligations réglementaires, notamment la rénovation énergétique (critères de décence) ou la norme RE2020 dans le neuf ;
- Augmentation des impayés de loyers, passés de 1,25 % en 2019 à 4 % en 2025 selon la Compagnie européenne de garantie et de caution (CEGC) ;
- Alourdissement de la fiscalité : hausse des taxes foncières, fin du dispositif Pinel, complexité des régimes fiscaux ;
- Gestion perçue comme risquée (squats, lenteur d’expulsion, revalorisation plafonnée).
Ces éléments combinés alimentent une forme de défiance des particuliers envers la location longue durée. En résulte alors des investisseurs qui se détournent progressivement du locatif classique au profit de la location meublée, plus rentable fiscalement, ou du simple arbitrage patrimonial sans mise en location.
5 leviers fiscaux pour relancer l'investissement

Face à la désaffection croissante des particuliers pour l’investissement locatif, la mission propose un cadre fiscal rénové, incitatif et pérenne. Il repose sur cinq mesures structurantes, dont les deux premières constituent le socle universel du dispositif.
Proposition 1 : Un amortissement fiscal pour les logements loués en longue durée
Le rapport préconise d’instaurer un amortissement fiscal forfaitaire annuel sur la valeur des logements mis en location longue durée, qu’ils soient loués nus ou meublés. Ce mécanisme, déjà en vigueur pour les locations meublées (BIC), serait élargi à la location nue, sans changement de statut juridique ni formalité lourde. Les contribuables n’auraient alors pas besoin de créer une société ni de produire de liasse fiscale, contrairement au régime du LMNP actuel.
Deux taux d’amortissement sont proposés :
- 5 % par an pour les logements neufs, soit un amortissement sur 20 ans (alignée sur l’horizon d’investissement d’un particulier préparant sa retraite) ;
- 4 % pour les logements anciens, à condition d’engager 15 % de travaux sur la valeur du bien, favorisant ainsi la rénovation du parc existant.
Le dispositif ne concernerait que les mutations intervenant à compter de décembre 2025, afin de garantir un effet incitatif sans effet d’aubaine.
Proposition 2 : Un bonus d'amortissement pour les loyers abordables
Afin d’encourager les bailleurs à proposer des logements à loyers inférieurs au marché, un système de bonus d’amortissement est introduit. Il s’appuie sur les grilles existantes du dispositif Loc’Avantages, en distinguant trois segments : intermédiaire , social et très social.
Selon le type de loyer appliqué, le bailleur bénéficierait d’un taux d’amortissement bonifié :
- +0,5 % pour un loyer intermédiaire
- +1,0 % pour un loyer social
- +1,5 % pour un loyer très social
Ainsi, dans le neuf, l’amortissement pourrait atteindre jusqu’à 6,5 % par an ; dans l’ancien, jusqu’à 5,5 %. Le rapport recommande en parallèle de supprimer l’obligation de conventionnement avec l’Anah pour bénéficier de cet avantage, notamment en cas de travaux, afin de simplifier l’accès à ces dispositifs incitatifs.
Proposition 3 : Rehausser le plafond du déficit foncier
Aujourd’hui, un propriétaire bailleur ne peut imputer un déficit foncier sur son revenu global qu’à hauteur de 10 700 € par an, un plafond qui n’a pas été revalorisé depuis 25 ans. Ce montant reste très insuffisant pour couvrir des charges en forte hausse (travaux, taxe foncière, entretien du bâti), en particulier dans le contexte actuel d’inflation et de rénovation énergétique.
La mission propose de porter ce plafond à 40 000 € par an, permettant ainsi d’accompagner plus efficacement les bailleurs dans la mise en location de logements rénovés et adaptés aux normes environnementales actuelles.
Proposition 4 : Exclure les biens loués de l’assiette de l’IFI
Le rapport recommande de retirer les logements loués en longue durée, qu’ils soient nus ou meublés, de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). En effet, ces biens ne constituent pas une rente spéculative, mais un service économique et social rendu au marché locatif. Leur soumission à l’IFI est jugée incohérente et contre-productive au regard de leur utilité publique.
Cette mesure viserait à récompenser l’engagement des bailleurs qui mettent leurs biens sur le marché à long terme, et à renforcer la compétitivité de l’investissement locatif par rapport à d’autres formes de placement non taxées de la même manière (ex : actifs financiers).
Proposition 5 : Aligner la durée d’exonération des plus-values sur l’amortissement
Actuellement, l’exonération totale de la plus-value immobilière n’intervient qu’après 22 ans de détention pour l’impôt sur le revenu, et 30 ans pour les prélèvements sociaux. La mission juge cette durée excessive et peu cohérente avec la logique d’investissement locatif de long terme.
Elle propose donc de ramener cette durée à 20 ans pour l’exonération totale, en l’alignant sur la durée d’amortissement prévue par la réforme (20 ans à 5 % par an dans le neuf). Cette harmonisation permet de favoriser la détention longue et réduit la rétention foncière, souvent causée par l’anticipation d’une fiscalité dissuasive à la revente.
Calendrier proposé
Afin de maximiser l’effet incitatif de la réforme tout en évitant les effets d’aubaine, le nouveau cadre fiscal suggéré par le rapport ne s’appliquerait qu’aux mutations intervenant à compter de décembre 2025. Ce choix permettrait de préserver les recettes fiscales sur l’exercice 2025, en amorçant tout de même une relance dès le projet de loi de finances pour 2026.
Une date cible qui répond à un double impératif d'offrir d'une part une visibilité immédiate aux investisseurs avec une réforme "en flux", et d'autre part d'éviter le gel des transactions dans l’attente d’un nouveau dispositif, ce qui aurait aggravé la crise de l’immobilier locatif.
Impacts chiffrés
Les effets attendus de la réforme sont massifs et mesurés. D’ici 2030, la mission projette une hausse annuelle de 90 000 logements mis sur le marché, répartis comme suit :
- 40 000 logements neufs acquis par des investisseurs particuliers,
- 30 000 logements anciens remis sur le marché locatif avec travaux,
- 20 000 logements supplémentaires produits en cascade grâce à la relance des opérations neuves (accession, social, etc.).
Du point de vue budgétaire, le solde net pour les finances publiques est très favorable :
- +500 millions d’euros dès 2026 ;
- +1,1 Md€ en 2027 ;
- +1,9 milliards d’euros en moyenne par an entre 2026 et 2032
Ces recettes proviendraient principalement :
- de la TVA sur les logements neufs (20 %),
- des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) dans l’ancien (~6 %),
- des taxes d’aménagement et de TVA sur les travaux (5,5 % à 10 %).
Enfin, la relance du secteur aurait un effet direct sur l’emploi : le rapport estime à 100 000 le nombre d’emplois créés dans la filière bâtiment et construction à l’horizon 2030, soutenus par la reprise des chantiers, les rénovations et les nouvelles constructions locatives.
F.A.Q
Que prévoit la réforme ?
Cinq mesures fiscales clés :
- Amortissement fiscal de 5 % (neuf) ou 4 % (ancien avec travaux) ;
- Bonus de rentabilité pour les loyers abordables (+0,5 à +1,5 %) ;
- Plafond du déficit foncier porté à 40 000 € ;
- Exclusion de l’IFI pour les biens loués en longue durée ;
- Exonération totale des plus-values après 20 ans de détention.
Quand la réforme entrera-t-elle en vigueur ?
Le nouveau cadre fiscal s’appliquerait uniquement aux mutations intervenant à partir de décembre 2025, afin d’assurer un effet incitatif dès 2026.
Quel impact pour les finances publiques ?
La mission estime que la réforme générerait environ 14,5 milliards d'euros au total d'ici 2032, grâce aux recettes supplémentaires issues de la relance du marché.
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