Tour Occitanie à Toulouse : Quel verdict attendre du tribunal administratif ?
SOMMAIRE
- Une "tour des riches" exempte de logements sociaux
- Calendrier des recours
- Quels sont les griefs contre la Tour Occitanie ?
- Un manque de considération écologique
- Un manque de prise en compte de l’économie locale
- Un manque d’intégration au quartier
- La réponse de Jean-Luc Moudenc aux détracteurs de la Tour Occitanie
- Rappel du projet : Occitania Tower
La tour de Babel toulousaine finira-t-elle par sortir de terre ? Le recours contre l'aménagement du PLU pour ce projet à 180 millions d'euros, a été déposé en 2018 par le collectif citoyen « Non au gratte-ciel de Toulouse ». La première instance a eu lieu devant le tribunal administratif de la ville, le 3 septembre 2021, à 9h30. Le rapporteur public* n'est pas convaincu par les arguments des opposants et se prononce pour un rejet.
Une "tour des riches" exempte de logements sociaux
Portés par le collectif : "Non au Gratte-Ciel de Toulouse, les associations : Les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, Droit au logement et France Nature Environnement Midi-Pyrénées avec 5 riverains directement impactés, 2 recours contentieux distincts :
- ... contre la modification du PLU-iH, déposé par l’association, les Amis de la Terre Midi Pyrénées et le DAL 31.
- ... en annulation du permis de construire de la tour Occitanie déposé par les trois associations précédemment citées auxquelles s'est ajoutée la Fédération France Nature Environnement Midi Pyrénées.
Le premier, jugé en première instance ce vendredi 3 septembre 2021, porte sur l’absence de logements sociaux au sein du programme immobilier neuf à Toulouse ainsi que sur la construction d’espaces pour les vélos. “ La Compagnie de Phalsbourg” promoteur du projet a été déchargée de la construction de logements sociaux. Là où le PLU en prévoyait 35% au sein de la Tour, la Métropole autorise la répartition de ces logements sur l’ensemble du secteur en réaménagement du quartier Matabiau.
Richard Mébaoudj, Président de l’association « Non au gratte-ciel de Toulouse » chiffre entre 8 et 10 millions, le montant de l’économie réalisée par le promoteur, du fait de l’aménagement du PLU pour ce projet.
Pour lui comme pour l’association Droit au Logement, cet aménagement constitut « un mauvais signal social », une « tour réservée aux riches », auquel s’additionne “un mauvais signal” pour l’aménagement durable de la ville du fait de la limitation des places de stationnement pour les vélos.
Le rapporteur public* a d'ores et déjà rendu sa conclusion. Selon Actu Toulouse, il suggère de rejeter les moyens développés par le collectif contre le programme Tour Occitanie. Le délibéré ne sera pas rendu avant plusieurs semaines. Néanmoins, dans le cadre de la justice administrative, le jugement suit l’avis du rapporteur public, dans la très grande majorité des cas.
Calendrier des recours
- Le 20 septembre 2019, un premier recours gracieux adressé à la municipalité sera rejeté par Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, le 15 octobre.
- Le second recours, contentieux, porte sur l'absence de logements sociaux au sein de la Tour.
- Le 12 décembre 2019 un 3e recours contentieux est porté en annulation du permis de construire de la tour d'Occitanie.
Quels sont les griefs contre la Tour Occitanie ?
Dans la lettre du 6 mars 2018 adressée à Jean Luc Moudenc, le collectif d’associations présente une liste imposante de griefs à l’encontre du projet de gratte-ciel nommé dans un premier temps “Occitania Tower”. À la suite du titre slogan « Le Beau devant, le Moche derrière ! », Non au Gratte-Ciel de Toulouse accompagné de 11 comités et associations liste ses préoccupations :
Un manque de considération écologique
Les associations dénoncent des insuffisances dans le respect de la Trame Verte et Bleue (outil qui permet le maintien des couloirs de circulations des espèces animales et végétales) qui était l’un des axes majeurs décrit dans le Plan d’Aménagement et du Développement Durable (PADD) et du Plan Local d’Urbanisme. Elles craignent en outre, une augmentation de la pollution de l’air qui aurait trait au manque de cohérence entre le projet et les objectifs du Plan Climat et du Projet Mobilités. Les dimensions “dérisoires” des espaces verts sont également pointées du doigt.
Le collectif désigne le maintien de la prépondérance automobile du centre-ville encouragé à travers la création de nouveaux parkings ainsi que le manque d’ambition dans l’aménagement de couloirs de circulation douce, réservés aux piétons et cyclistes.
Selon lui, le projet engendrera immanquablement un énorme goulot d’étranglement au niveau du Pont Raynal (qui paralysera les bus ainsi que les nouveaux accès à la gare Matabiau SNCF.
Un manque de prise en compte de l’économie locale
Le collectif craint que les espaces de bureaux de la Tour ne soient en concurrence avec les zones situées à Blagnac, Labège, Saint Martin et ne portent préjudice à ces dernières. Outre le manque de considération des commerces de proximité existants, il juge les typologies et positionnements (trop loin des transports) des nouveaux commerces inadaptés.
Un manque d’intégration au quartier
Il déplore que l’identité actuelle des quartiers ne soit pas respectée à travers notamment le manque de valorisation du bâti existant et d’amélioration des quartiers. De même que la hauteur “démesurée” du projet dont le collectif déplore le manque d’intégration dans le tissu urbain qui doit l’accueillir. Il dénonce le manque de cohérence avec les projets inter connectés du partenariat Toulouse Euro Sud -Ouest (Toulouse Aerospace Express, Cœur de Quartier …) Les associations regrettent l’absence de lieux de rencontre et d’équipements publics. Elles craignent que la première modification simplifiée du PLU ne respecte pas les objectifs de mixité sociale de la Métropole.
À la fin de la “missive”, le collectif réclame alors un prolongement des concertations d’un mois et le gel des permis de construire.
La réponse de Jean-Luc Moudenc aux détracteurs de la Tour Occitanie
Dans une lettre de réponse au collectif, Jean Luc Moudenc explique avoir reçu un grand nombre de courriers en faveur de ce projet ambitieux.
À propos des mises en question d’ordre écologique, le Maire de Toulouse rétorque que les façades du la tour seront végétalisées, avec des essences adaptées au climat et aux expositions.
Il précise qu’aucun projet immobilier à énergie positive de cette hauteur n’existe mais qu’en revanche, le projet, qu’il qualifie d’exigeant en matière d’écologie, vise 4 certifications : NF Habitat HQE, Breeam, Well et Biodivercity. Il indique en outre que le chantier se situe à l’écart des zones végétalisées et qu’il n’aura donc aucun impact sur ces dernières.
Sur le manque de concertation, Jean-Luc Moudenc rappelle l’enquête publique sur la modification du PLU. Des particuliers avaient alors argumenté sur l’intérêt d’une telle taille (150 m) par rapport aux 100m initialement avancés. Il précise que l’ombre portée de l’édifice, le serait essentiellement sur les voies ferroviaires.
Pour l’aspect social du projet, il précise que celui-ci est inclus dans le projet de réaménagement global du quartier (TESO). La tour ne devant recevoir que 11 000m² de logements sur les 200 000 prévus au total. 35% de ces appartements seront des logements sociaux.
Concernant la circulation, le Maire affirme qu’aucun parking n’est prévu pour la Tour Occitanie et qu’au contraire des positions tenues par le collectif, la densification du centre-ville diminue l’usage de la voiture. Il précise de surcroit que le projet TESO a été pensé pour favoriser la circulation des transports en commun.
Jean-Luc Moudenc tire cette conclusion que l’ensemble du projet permettra “un nouveau lieu de vie, des quartiers mieux reliés et des espaces publics valorisés”.
Rappel du projet : Occitania Tower
Près de la gare Matabiau (sur le site de l’ancien tri postal), une tour de 150 mètres de hauteur et de 35 000 m², sur 38 étages doit voir le jour.
À l’intérieur, 13 000 m² de bureaux, 2 000 m² de commerces, plus de 100 appartements, un hôtel 4*, 2 restaurants dont un au sommet, avec bar panoramique et 600 m² de locaux SNCF.
Le projet est porté par la Compagnie de Phalsbourg (le Philanthrop Lab à Paris, le 27 à Vigneux-sur-Seine...).
Les architectes Daniel Libeskind et Francis Cardete ont été choisis pour le dessin et la réalisation de la Tour.
Daniel Libeskind est un architecte star, constructeur (entre autres) du Musée juif de Berlin, et de la “One World Trade Center” (plus grand Gratte-Ciel de l’hémisphère ouest qui remplace les Twin Towers).
Francis Cardete toulousain et co-fondateur de l’agence Cardète Huet Architectes de l’Agence lauréat des Défis urbains en 2007.
*Qu'est-ce qu’un rapporteur public ?
Le rapporteur public est magistrat au sein d'une juridiction administrative. Il intervient publiquement à l'audience après la clôture de l'instruction et “prononce ses conclusions” sans toutefois prendre part au jugement. Il intervient exclusivement dans les affaires relevant du droit public.
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