Artificialisation des sols : Jean-Luc Moudenc veut construire plus haut

Temps de lecture estimé à environ 11 minutes.
Contrôles :
Avatar de l'auteur "Amélie CARALP" Amélie Caralp

le 23 juillet 2021

[ mis à jour le 23 juillet 2021 ]

SOMMAIRE

Lors de l’Assemblée du Codev (Comité de développement) qui s’est tenue lundi 5 juillet, le Maire de Toulouse et Président de la Métropole, Jean-Luc Moudenc a évoqué le sujet de l’artificialisation des sols à Toulouse et dans la métropole. Et a demandé au Codev de plancher sur le sujet en leur proposant une piste de réflexion : construire plus haut.

Acteur de la Commission Rebsamen, qui travaillera notamment sur cette question, Jean-Luc Moudenc semble vouloir faire de Toulouse un exemple pour remplir l’objectif zéro artificialisation des sols promu par la Loi Climat et Résilience. Avec une volonté de verticaliser les constructions et de les élever qui risque de ne pas plaire à tout le monde, et notamment aux habitants et voisins des programmes neufs à Toulouse. A moins de trouver des solutions permettant de remettre la nature au centre de ces projets imposants.

Ce problème d’artificialisation des sols n’est évidemment pas strictement toulousain et des solutions au niveau national sont recherchées. L’étalement des centres-villes, la construction d’immenses zones commerciales aux périphéries et des grandes entreprises dans les villes de première couronne des grandes métropoles ont particulièrement participé à ce phénomène.

A défaut de défaire ce qui a été fait, des solutions doivent maintenant être trouvées pour ne pas empirer la situation. En ce sens, l’idée de Jean-Luc Moudenc semble pertinente, et les recommandations gouvernementales vont d’ailleurs dans le sens d’une densification des logements. Construire plus haut et plus dense, voilà une première piste à explorer par le Codev, et à faire accepter à la population, surtout dans une période post Covid où chacun rêve de son bout de jardin.

©Natthawon Chaosakun - Shutterstock

L’urgence de stopper l’artificialisation des sols au centre du débat national

L’artificialisation des sols est décidément un terme qui est sur toutes les lèvres et qui s’est invité dans le débat politique de manière permanente. Mais qu’est-ce que c’est au juste? Selon la définition de l’Insee, il s’agit de la “transformation d'un sol à caractère agricole, naturel ou forestier par des actions d'aménagement, pouvant entraîner son imperméabilisation totale ou partielle. Ce changement d'usage des sols, le plus souvent irréversible, a des conséquences qui peuvent être préjudiciables à l'environnement et à la production agricole.”

Elle résulte majoritairement de l’urbanisation accrue des villes et de leurs périphéries et de l’extension des infrastructures. Ces changements répondent nécessairement à une forte dynamique démographique et à un développement économique important. Cependant, jusque-là, les enjeux environnementaux et de préservation des espaces naturels et terres agricoles ont souvent été placés au second plan, au profit d’un développement plus rapide des espaces urbains.

Pourquoi s’attaquer à l’artificialisation des sols devient urgent?

©Zenzeta - Shutterstock

L’urbanisation galopante et la “bétonisation” d’espaces auparavant naturels a fortement contribué à déstabiliser la biodiversité depuis de nombreuses années. En France, ce sont 20 000 hectares d’espaces naturels qui sont artificialisés chaque année en moyenne. L’habitat représente le plus gros consommateur d’espace naturel puisque 41,9% du foncier artificialisé lui revient. Viennent ensuite les réseaux routiers avec 27,8% et les services et loisirs avec 16,2%. Cela a forcément des conséquences à long terme sur l’environnement.

La première conséquence de cette artificialisation massive est une destruction de la biodiversité : biodiversité des sols, des paysages, des habitats et biodiversité de la faune et de la flore. L’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) alerte ainsi sur un taux d’extinction des espèces sans précédent et qui s’accélère. En cause notamment, un doublement des zones urbaines depuis 1992.

©dies-irae - Shutterstock

L’artificialisation des sols, que ce soit par la construction d’immeubles ou de voierie, mène également à une imperméabilisation qui restreint la capacité des sols à stocker le carbone. Cela augmente donc logiquement les émissions de dioxyde de carbone. Les pollutions sont également plus importantes sur les sols artificialisés : pollution des sols par des substances toxiques d’origine industrielle, pollution de l’air engendré par le trafic et les industries, pollution sonore du fait de la faible capacité d’absorption des ondes sonores par les sols artificialisés.

Un sujet environnemental qui préoccupe au niveau national

Pour ces raisons, les lois visant à réduire l’artificialisation des sols fleurissent depuis quelques années. Dès les années 80, la loi Montagne et la loi Littoral mettaient en place des restrictions sur la bétonisation de certains paysages naturels. Puis la loi SRU épingle l'étalement urbain et fait de sa limitation une priorité. Dans les années 2010 les lois Grenelle II et Alur prévoient également de lutter plus efficacement contre l’étalement urbain et la consommation d’espaces naturels.

©gkatz - Shutterstock

Première grosse pierre à l’édifice, la Loi biodiversité de 2018 de Nicolas Hulot et son objectif de zéro artificialisation nette. Avec un double défi : préserver les espaces naturels sans provoquer de crise du logement. Toute la difficulté rencontrée par les pouvoirs en place réside justement dans le juste équilibre entre ces deux aspects, qui semblent à première vue totalement antinomiques. Emmanuelle Wargon, la ministre chargée du logement définissait d’ailleurs cet objectif comme “une bataille culturelle” à mener.

Cet objectif annoncé par la loi biodiversité ne présentait cependant aucune échéance ni aucun mode d’emploi. La Loi Climat et Résilience votée par l’Assemblée Nationale le 17 avril 2021 remédie à cette problématique. Désormais, l’objectif ZAN est inscrit dans le droit et une ligne directrice a été établie : afin de pouvoir atteindre l’objectif à 2050, il faudra limiter autant que possible la consommation de nouvelles surfaces naturelles, et si cela n’est pas possible, il faudra compenser en rendant à la nature l’équivalent de la superficie consommée.

“C'est la première fois qu'on reconnaît pleinement la valeur des sols en matière écologique, pour la captation du carbone, pour la biodiversité, pour l'eau, la nature, pour nous tous en général. Pour la première fois, nous passons de la notion de sobriété foncière, de consommer moins, à une notion d'équilibre global, aller vers le zéro artificialisation nette, ne pas artificialiser plus que ce que nous pouvons.”

Emmanuelle Wargon

En clair, pour pouvoir artificialiser un sol, le projet devra répondre à un véritable besoin démographique ou économique et ne pas pouvoir se réaliser sur une friche ou en densifiant une zone déjà urbanisée. Dès lors, il s’agit de réussir à individualiser cet objectif, en fonction des territoires et de leurs besoins. Mais l’objectif doit tout de même être rempli, et en ce sens, tous les documents d’urbanisme devront désormais en tenir compte : Scot (schémas de cohésion territoriale), PLUI (plans locaux d’urbanisme) et documents de planification régionale devront répondre aux objectifs fixés par la Loi Climat et Résilience.

“La question de la territorialisation des objectifs est importante car on ne peut pas traiter de la même manière tous les territoires sans prendre en compte les efforts déjà engagés par certains ni les besoins de chacun. La question est de savoir comment on répartit ce droit à artificialiser.”

Emmanuelle Wargon

Bien que l’habitat soit en majorité responsable de l’artificialisation des sols, c’est les commerces qui ont été le plus pointés du doigt, et notamment les grandes zones commerciales. Désormais, les constructions de surfaces commerciales ou extensions de plus de 10 000m² seront interdites, sauf dérogation de la commission départementale d’aménagement commercial dans le cas où le projet s’insèrerait dans le tissu urbain existant ou répondrait précisément aux besoins du territoire.

©joyfull - Shutterstock

Préconisations et pistes de réflexion

Afin d’atteindre cet objectif fixé par l’Etat, à savoir diviser par deux la consommation d’espaces d’ici à 2030 et atteindre zéro artificialisation en 2050, le Comité pour l’Economie Verte (CEV) a rendu un diagnostic qui met en avant trois axes majeurs à respecter :

  1. Eviter : La première étape est évidemment d’essayer dans la mesure du possible d’éviter d’artificialiser de nouveaux sols, en agissant sur le bâti vacant, en priorisant les rénovations ou en encourageant la construction sur des sols déjà artificialisés. Ceci pourrait être fait en mettant en place par exemple une exonération de la taxe d’aménagement. Afin d’encourager la construction sur des zones déjà artificialisées, le gouvernement a déployé en fin d’année dernière un fond de 300 millions d’euros destiné à des projets de recyclage foncier, et notamment de friches.
  2. Réduire : Lorsque l’évitement complet n’est pas possible, la réduction de l’espace artificialisé doit être priorisé. Une piste serait l’augmentation de la densité urbaine, en favorisant des logements collectifs de grande hauteur sur des espaces déjà urbanisés. Les COS (coefficient d’occupation des sols) fixés par les PLU pourraient également introduire une densité minimale pour les nouveaux bâtiments.
  3. Compenser : Après évitement et réduction, la dernière solution consiste à compenser la surface des espaces naturels consommés et artificialisés par la création de nouveaux espaces naturels de surface égale.

Le cas de Toulouse Métropole : la densification, cheval de bataille de Jean-Luc Moudenc en matière d’urbanisme

Du côté de Toulouse Métropole, et malgré l’annulation du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) par le tribunal administratif de Toulouse fin mai, Jean-Luc Moudenc n’entend pas renoncer à ses projets d’urbanisme. Un urbanisme qu’il souhaite plus raisonné et recentré sur la ville elle-même. Face au problème de l’artificialisation des sols et de la raréfaction des espaces naturels, l’heure n’est plus à l’étalement urbain. Jean-Luc Moudenc veut construire haut et dense.

“Il faudra davantage de hauteur, en compensation de quoi nous devrons assurer plus de végétalisation sur les parcelles concernées, pour amener de la fraîcheur. Il faudra aussi une exigence nouvelle en termes de qualité de construction de la part des promoteurs et architectes.”

Jean-Luc Moudenc

Une volonté de préservation des espaces naturels qui n’a visiblement pas sauté aux yeux du tribunal administratif de Toulouse qui a justement jugé le PLUIH trop consommateur de ces espaces. Un malentendu selon le maire de Toulouse, qui juge que les anciens règlements d’urbanisme en vigueur à Toulouse et les autres communes de la Métropole étaient justement moins aboutis sur ce sujet. C’est eux qui seront de nouveau appliqués en attendant de travailler sur une nouvelle proposition de plan local d’urbanisme.

Pour le président de Toulouse Métropole, il va de toute façon falloir trouver des solutions pour construire afin de ne pas entrainer une crise du logement. Et l’objectif de zéro artificialisation des sols visé par la Loi Climat et Résilience doit s’intégrer dans ces solutions. En attendant de présenter un PLUIH n°2, ce qui prendra du temps, Jean-Luc Moudenc a donc chargé le Codev de plancher sur des pistes pour pouvoir construire plus haut et ainsi rester dans les clous de la Loi Climat et Résilience en termes d’artificialisation des sols.

“Ce nouveau PLUIH va aussi devoir composer avec la nouvelle loi que viennent de voter l’Assemblée et le Sénat, et qui prévoit une réduction considérable du rythme d’artificialisation des sols. Concrètement, pour se développer, il va donc falloir utiliser moins de terres vierges, privilégier la reconstruction de la ville sur elle-même. Or, à Toulouse, face au dynamisme démographique, on a un besoin de logements considérable…”

Jean-Luc Moudenc

Sur les grands projets d’aménagement de ces dernières années, Toulouse s’inscrit pourtant déjà dans une bonne démarche. Deux d’entre eux sont effectivement nés sur des sites d’anciennes friches, dont les sols étaient de fait déjà artificialisés : les écoquartiers de la Cartoucherie et de Guillaumet, sur le site de l’ex-CEAT.

Deux autres grands projets en cours à Toulouse s’inscrivent parfaitement dans la démarche “Eviter-Réduire-Compenser” préconisée par le CEV : il s’agit du projet porté par Kaufman&Broad et Belin Promotion avenue de Muret. Sur le site désaffecté d’EDF, considéré comme le squat le plus important de Toulouse, un projet de plus de 400 logements va voir le jour, sur une parcelle de 2,5 hectares. L’un des bâtiments en briques apparentes sera conservé et réhabilité. Dans le nouveau quartier Guillaumet, le bâtiment Lemaresquier, inoccupé depuis 2000 sera quant à lui réhabilité afin d’accueillir la nouvelle cité administrative de Toulouse.

Comment faire accepter la densification?

Problème : il faut pouvoir faire accepter aux toulousains et métropolitains de voir pousser des bâtiments toujours plus hauts en face de chez eux. Ce qui ne sera probablement pas chose aisée, à moins de proposer des solutions convaincantes pour compenser. Il va donc falloir “un esprit de citoyenneté aux habitants” qui veulent toujours “construire le plus bas possible” selon le Maire de Toulouse.

Avec une artificialisation des sols qui augmente bien plus rapidement que la population, il faut se poser des questions. La tendance est à la préférence des ménages pour l’habitat individuel. D’autant plus avec la crise du Covid. Avoir son petit bout de jardin, de l’espace, la proximité de la nature voilà ce que désire une grande majorité des familles. Mais cette appétence pour l’habitat individuel, additionné au prix du foncier dans les centre-ville, qui pousse les ménages les moins aisés vers les périphéries tend à augmenter encore l’étalement urbain.

©Halfpoint - Shutterstock

S’ils veulent pouvoir attirer cette partie des ménages qui rêve de verdure et de tranquillité, les promoteurs et aménageurs vont donc devoir rivaliser d’ingéniosité dans les prochaines années pour amener la nature dans leurs programmes. La présence de nombreux services originaux pourrait également peut être jouer en la faveur de ces programmes neufs. La ferme urbaine qui sera bâtie dans le quartier Guillaumet, le tiers-lieu des Halles de la Cartoucherie et autres projets à forte valeur ajoutée pèseront très probablement dans la balance et confèreront peut-être à ces quartiers l’esprit village et nature recherché par une grande majorité de ménages.

Avec IMMO9, faites le choix de la confiance en réalisant votre projet immobilier et bénéficiez des conseils d’une équipe entièrement mobilisée pour votre satisfaction.
Contactez-nous
Partager sur