La densification de l’habitat au cœur des tensions

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Avatar Hélène BERTIER Hélène Bertier

le 01 juillet 2020

[ mis à jour le 01 mars 2021 ]

SOMMAIRE

Alors qu’à Toulouse les recours gracieux venant s’opposer à la délivrance de permis de construire s’accumulent, témoignant de la grogne d’une partie de la société civile face à la densification de la métropole, à Balma c’est en amont même de la délivrance qu’agit la dynamique anti-construction, par la voix et la détermination de son maire.

Luttes citoyennes et recours gracieux à Toulouse

La densification et l’élévation des constructions toulousaines ne vont pas sans animer un débat global sur l’urbanisme souhaité par les différents acteurs de la métropole, et par ses habitants.

Les projets immobiliers, des plus ambitieux aux plus modestes, s’accompagnent quasi-systématiquement d’un vent de protestation, parfois propre à faire bouger les lignes. Tandis qu’à Matabiau l’organisation des opposants au nouveau centre d’affaires a précédé l’enquête publique même, aux ZAC de la Cartoucherie comme à celles de Montaudran, en passant par Niel ou les Ponts-Jumaux, il n’est pas une zone de projet où les associations contestataires n’espèrent, à l'image de l'association de riverains du stade Arnauné aux Minimes, obtenir du tribunal administratif l'arrêt des travaux.

« Les services de la mairie sont saisis pour environ la moitié des projets autorisés par des particuliers ou des associations, qui les contestent. En 2017, sur les 900 permis de construire qui ont été délivrés pour Toulouse, environ 50 % ont fait l'objet de ce que l'on appelle un recours gracieux. » témoigne ce 18 octobre Annette Laigneau, interviewée par La Dépêche. Ce chiffre semble exceptionnellement haut, d’autant que comme le rappelle la vice-présidente de Toulouse Métropole en charge de l'urbanisme, « les promoteurs n'hésitent plus à attaquer les particuliers pour des recours abusifs. Ça peut coûter cher... ».

Dans le même temps, on peut considérer cette importante proportion de recours contentieux comme le reflet de la récente explosion du nombre de permis de construire accordés. Selon l'indice Sitadel de construction de logements neufs, la Haute-Garonne a enregistré une hausse de 9,9 % en un an, soit 21 700 logements, la plupart à Toulouse et sa proche banlieue.

Alors que cette hausse pourrait sembler excessive et éveiller des inquiétudes, la vice-présidente chargée de l’urbanisme se veut rassurante.

« Nous maîtrisons les projets, nous discutons avec les promoteurs et les riverains. Nous sommes attentifs et vigilants pour ne pas faire n'importe quoi et nous faisons aussi œuvre de pédagogie. Toute notre politique est d'accompagner cette dynamique en définissant le cadre légal pour construire de nouveaux logements. »
Interview d’Annette Laigneau, propos recueillis par Gilles-R. Souillés pour La Dépêche.fr

Mais si Toulouse « [maîtrise] les projets » sur son territoire, la municipalité n’a pas le même champ d’action sur les communes périphériques. Aussi, quand la grogne vient des élus de ces villes eux-mêmes, c’est un tête-à-tête bien plus délicat qui s’engage.

Balma freine depuis 2015 sur la construction de logements neufs

Le 15 octobre, ce sont 200 Balmanais qui se sont rassemblés autour de la question de l’urbanisme, à l’occasion d’une réunion publique organisée à l'auditorium de l'hôtel de ville sur ce sujet. Sujet primordial pour les habitants, puisque c’est en partie sur sa promesse de freiner l’urbanisation qu’a été élu en 2014 le maire actuel, Vincent Terrail-Novès.

Celui-ci a profité de l’évènement pour faire un retour sur cette promesse, et dresser un premier bilan : « de 2011 à 2014, 1259 logements collectifs ont été construits (…) Sur la période de 2015 à 2018, il y en a eu 381. Nous avons donc divisé l'urbanisation par 3,2 ! Et nous n'avons accordé aucun permis de construire pour du collectif en 2017 et 2018. »

Au cœur des préoccupations balmanaises, l’urbanisation des secteurs mitoyens de l'écoquartier de Vidailhan, qui doit accueillir à terme 1250 logements. Si ce quartier est, lui, quasiment achevé, le sort des quartiers limitrophes Garrigue et Thérga a été repris en main par le maire. L’implantation de logements et de bureaux se fera bien, « mais à un rythme beaucoup moins important qu'auparavant », prévient Vincent Terrail-Novès.

Une volonté de ralentissement de l’urbanisme dont les effets se font déjà sentir, mais qui ne va pas sans entrer en conflit ouvert avec les objectifs de la Métropole.

Une politique de restriction drastique qui froisse la Métropole

Avec 8 000 nouveaux habitants intra-muros comptabilisés chaque année (15 000 au niveau de l'agglomération), Toulouse Métropole a un besoin en logements grandissant qu’il lui convient de satisfaire de la meilleure des manières, en conciliant enjeux divers et volontés contraires.

Or dans la perspective des 6500 à 7500 logements par an à bâtir pour accueillir les futurs habitants de la métropole, le plan local de l'habitat 2014-2019 fixait à 270 le nombre de nouveaux logements que Balma devait construire chaque année. Les études de prospectives prévoyaient même une nécessité de porter ce chiffre à 336 pour la période 2020-2025.

C’est à coup de délicates et âpres négociations que s’est donc faite la restriction mise en place par la municipalité de Balma, et que le chiffre s’est vu ramener à 195, « soit une baisse de 28 % par rapport à la période précédente » , s’est félicité Vincent Terrail-Novès.

Face aux élus voisins qui craignent de subir les effets sur leur territoire de ce recul de l’urbanisation balmanaise, à un moment où on lui demande justement de l’augmenter, Vincent Terrail-Novès tient bon, et se drape derrière ses promesses de campagne : «J'ai pris des engagements devant les électeurs. J'assume le fait que, jusqu'à présent, nous avions construit trop rapidement et que nous voulons maintenant que le rythme de l'urbanisation diminue de façons importante».

Le maire de la Métropole, Jean-Luc Moudenc, a tenu à remettre cette position politique du maire balmanais en face de ses enjeux : « Qui crée le plus d'emplois en France ? Quelle est la métropole qui gagne le plus d'habitants en France ? C'est la métropole toulousaine. L'an dernier, nous avons gagné 12 000 habitants qu'il faut bien loger ».

La densification : un point encore problématique du futur PLUiH, épinglé par la commission

Le nouveau Plan local d'urbanisme intercommunal – Habitat (PLUi-H) , dont l'enquête publique a fini le 27 mai 2018 et qui doit être approuvé en mars 2019, interroge sur l’urbanisation à venir de la Métropole, loin de faire consensus. La Commission d’enquête a ainsi dressé un bilan qui comprend une longue liste de points négatifs, autant de réserves et recommandations qui vont demander à la municipalité de revoir sa copie avant adoption par le Conseil métropolitain au premier semestre de l’année prochaine.

La commission relève notamment les problèmes suivants :

On remarquera que la question de la densification est, en plusieurs endroits, pointée du doigt. Elle s’associe directement à celle des aspirations des habitants, et à la prise en compte des intérêts des territoires péri métropolitains au même titre que ceux de la ville mère. En cela, la Commission semble venir réinscrire Toulouse au centre du réseau de villes et d’acteurs qu’elle fait vivre, mais aussi qui la font vivre.

Elle semble, également, remettre la pertinence de l’urbanisation au cœur de la réflexion.

C’est donc à titre provisoire que certaines « communes périphériques ont aussi modifié leurs règles internes en attendant le nouveau PLUiH qui s'appliquera à toutes les communes de Toulouse Métropole » a indiqué Guillaume Drijard, président de l'Union des comités de quartier, à La Dépêche. Alors que Balma a mis en place des règles restrictives, d'autres, comme Tournefeuille ou Mondonville, semblent plus favorables à la construction.

Sources :

[ En Résumé ]

Alors qu’à Balma l’urbanisation s’est vue divisée par 3, la métropole enregistre un nombre record de recours gracieux s’opposant à des projets immobiliers. En parallèle, la Commission d’enquête a accusé une politique de « densification qui ne prend pas assez en compte l'aspiration des habitants ni les territoires périphériques ». Mais quand la seule alternative semble l’étalement, le problème reste entier.

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